Festival 2008 au Verbe Fou

Critique Venus

Michel de Ghelderode,
auteur de génie trop peu connu !

 
Dans le lieu surprenant du théâtre Le Verbe fou, la compagnie Théâtre littéraire de la Clarencière nous présente deux pièces courtes et malheureusement trop peu connues de Michel de Ghelderode : « Trois acteurs, un drame » et « Vénus ». Par un jeu de mise en abyme, un rapport concret aux choses et un respect de l’esprit de l’auteur, Bernard Lefrancq parvient à nous faire redécouvrir un texte donné souvent pour trop intellectuel pour le grand public.
 

Trois acteurs, un drame, ce sont trois comédiens jouant une pièce minable d’un auteur-metteur en scène tout aussi minable, et qui se demandent s’ils vont monter en scène. Pour l’auteur, ils le feront, mais ce sera la dernière fois. Mais comment jouer lorsque réalité et fiction se mêlent ? Leur interprétation va se révéler plus grinçante que prévu. Quant à Vénus, il s’agit d’une jeune fille en quête d’identité qui se veut être Vénus. Mais son modèle est l’œuvre, si célèbre, de Milo, amputée des deux bras. Elle fera tout pour égaler, si ce n’est dépasser l’original ! Apparaissent aussi un scaphandrier à vie, un boucher cannibale, un manchot et un archéologue. À vous de faire le tri…
 
Cet enchaînement ingénieux fait profiter à la seconde pièce, Vénus des libertés esthétiques installées par la première.

Ghelderode
Dans un décor improbable, composé d’un piano droit, de chaises de jardin, d’une réduction du chef-d’œuvre de Milo, de rideaux noirs remontés par des cordes blanches à pompons, se déploient ces deux pièces tout aussi improbables, fidèles au génie de Michel de Ghelderode. En outre, tout l’espace du théâtre, jusqu’aux toilettes, est exploité : nous apercevons à travers un miroir le début de la première pièce, ce qui donne un côté voyeur qui n’est pas pour déplaire à l’auteur.
 
Les costumes, non moins fous et clairement faits de bric et de broc, jouent sur les conventions théâtrales, mises en abyme, elles aussi. Les interprètes se présentent en comédiens démunis, interprétant un spectacle sans subvention aucune.
 
Les comédiens nous représentent parfaitement l’ambiance et les conséquence scéniques qu’il peut y avoir dans une troupe plus que lasse de jouer. Je garde toutefois une réserve sur l’interprétation de Régis Rossotto, qui manque de travail.
 
La compagnie Théâtre littéraire de la Clarencière avait pour objectif de nous faire redécouvir un grand auteur belge. C’est une réussite. ¶
 
Isabelle Desalos

Critique Ghelderode

 


Dauphine

AVIGNON Où en sont les compagnies oubliées du programme du Off ?

par La Rédaction du DL | le 30/07/08 à 06h59

Ghelderode

Cinq compagnies ont subi de plein fouet, l'erreur informatique qui a conduit à ce qu'elles ne soient pas publiées dans le programme papier. Le Festival 2008 sera pour elles, un manque à gagner inestimable.

Une erreur qui pourrait conduire à une procédure judiciaire


« Nous avons fait constater par un huissier, que les tracts d'erratum qui devaient aussi être proposés avec les catalogues ne l'ont pas été », explique Éric Demey de la compagnie l'Aurore. Les comédiens de la pièce "Antigone Vietnam" notent quant à eux : « une forte baisse de la fréquentation, tant au niveau du public que des professionnels ». Mais Éric Demey reconnaît que le dommage subi est difficile à quantifier. « On est en train de voir combien une comédie de Shakespeare peut attirer de spectateurs, mais cela reste difficile à évaluer ». Quoi qu'il en soit, la dernière semaine de diffusion sera encore plus délicate que les précédentes, à cause du décalage entre le In et le Off. David Arveiller, comédien et producteur de "Dreyfus, l'affaire", estime le manque à gagner, rien qu'au niveau de la billetterie, à au moins 7 000 €.
L'oubli est un vrai désastre pour les cinq comédiens de "Vénus et trois acteurs, un drame" : « Cette pièce avait été créée pour le Festival. C'est une catastrophe. On va tuer la production ».
Tuer la production, pour Fabienne Govaerts, directrice du théâtre littéraire Le Verbe fou et de la production, cela signifie que la compagnie va être contrainte d'arrêter toute création pendant au moins deux ans. Une erreur informatique fatale donc pour cette compagnie, qui joue quotidiennement sa pièce avec une poignée de spectateurs dans la salle.

Ce que les compagnies attendent

Toutes les compagnies, si elles ne réclament pas la même chose, sont d'accord pour ne pas en rester là : « Nous leur avons fait une proposition pour faire partie du fonds d'aide et de diffusion des artistes », explique Éric Demey. Fabienne Govaerts a demandé 1 500 € de réparation, le remboursement de la cotisation payée cette année et une cotisation gratuite pour les cinq prochaines années. AF&C n'a pour le moment pas répondu à sa proposition mais Philippe Lecorff a tenu à préciser : « nous avons trouvé un compromis. Il y a plein de petits indexs qui manquent, ce n'est pas très grave. Si quelqu'un est mécontent, on n'est pas au courant ». Avant la fin du Festival, les cinq compagnies concernées doivent se réunir pour décider de la suite de cette affaire.
LES OUBLIÉS DU OFF
-"Dreyfus, l'affaire", cie La lune opaline, tous les jours à 10h 40 au théâtre le Cabestan. Tél. 04 90 86 11 74.
-"Antigone Vietnam", tous les jours à 12h au théâtre le Monte charge. Tél. 04 90 85 62 48
-"Parfums d'intimité" d'Horiziode productions, tous les jours à 17h à la Luna. Tél. 04 90 86 96 28
-"La nuit des rois" cie L'Aurore, tous les jours à 11h 15 à l'espace Roseau. Tél. 04 90 25 96 05.
-"Vénus et trois acteurs, un drame" tous les jours à 20h 45 au théâtre littéraire Le Verbe fou. Tél. 04 90 85 29 90

Paru dans l'édition 84A du 30/07/2008 (81937)

Saison 2008 à La Clarencière

Critique Ghelderode

Critique Ghelderode

 

Vénus inachevée et autres folies
Chimérique et foutraque Ghelderode

Vénus inachevée et autres foliesMichel de Ghelderode, qui se décrivait lui-même comme un écrivain flamand de langue française est, ce que l’on peut désormais appeler, un Belge dans tous ses paradoxes, ses flamboyances, ses dérives et son côté éminemment baroque.
Surnommé par certains le Shakespeare flamand, son théâtre se caractérise par un univers bouffon, fantasmagorique qui mélange habilement l’hilarité et la réflexion.
Qu’il propose des écrits pour marionnettes ou pour pantins humains, chaque texte est à double ou triple lecture. La première est le rire simple, presque iconoclaste, les secondes et troisièmes et les suivantes sont souvent une plongée dans la cruauté, les terreurs intimes mâtinées d’une touche d’anticléricalisme.
Mais nul n’est prophète en son pays, Michel de Ghelderode est, hélas, de moins en moins présent sur nos scènes belges.
C’est donc un plaisir doublé d’assister à deux de ses pièces sur une même soirée.
Trois acteurs, un drame... et Vénus inachevée ont plus d’un point en commun.
Dérision, ébouriffante mascarade dramatique, esbroufeuse pantomime se mélangent à une belle dose de kitsch.
Avec pour résultat deux farces qui nous emmènent dans un monde délirant, provocateur, irrévérencieux et drolatique.
Tout y est dans ces deux pièces, le côté bricolé, original et déjanté des costumes, la démesure et l’emphase des comédiens, les volontaires exagérations de jeu.
Avec plus de six mises en scène de textes de Michel de Ghelderode à son actif, on peut qualifier Bernard Lefrancq de familier de l’univers de l’auteur belge et être assurés sur la qualité du travail scénique et le respect de l’esprit ghelderodien.
Bernard Lefrancq présente ici deux spectacles jouissifs pourtant très différents de prime abord.
Trois acteurs, un drame... est une mise en abîme du théâtre.
Des interprètes, usés, déprimés veulent aller jusqu’au bout du mélodrame qu’on leur fait jouer.
De la réalité à la fiction, il n’y a qu’un (ou beaucoup) de coup de revolver.
La mort n’est pas toujours au rendez-vous, le mensonge et la rigolade oui.
L’emphase théâtrale, l’exagération des costumes, les références au petit monde de la scène et à ses coulisses font frémir des zygomatiques qui ne demandent que cela.
Vénus inachevée est, en apparence, totalement délirante.
Mettez ensemble une femme qui veut ressembler à Vénus (une Frédérique Panadero qui prend à pleins bras son rôle d’écervelée fanatique), un homme qui refuse de quitter son scaphandre (Jean-François Brion), un architecte un peu fêlé, un boucher teuton (truculent Philippe Sassoye) et un cosaque blessé, habillez-les à la mord moi le nœud, saupoudrez le tout d’accents étranges, de dérision et de folie et vous aurez une pièce qui part en éclats de rire.
Derrière l’immense plaisir de retrouver Michel de Ghelderode, s’il fallait faire un reproche à cette production du Théâtre littéraire de la Clarencière ce serait d’être trop courte.
Le proverbe ne dit-il pas : Jamais deux sans trois.
Pourquoi le faire mentir ?
Le public apprécierait sans rechigner (au contraire) une troisième saynète, juste … pour la route, comme on dit.
Spectacle vu le 26-09-2008
Théâtre de la Clarencière
Muriel Hublet